Plantes sauvages sucrées - fruits d'aubépine

Fruits d’aubépine : Compote, « café » et bien d’autres usages

Quelle belle image d’automne que de croiser le rouge vif des fruits d’aubépine ! Il faut chercher ces « cenelles » dans les haies ou en lisière de forêt où l’aubépine se plaît. Souvent elle est alors taillée et se fond dans la masse à côté des épines noires, églantiers, ronciers, sureaux et autres compagnons de la haie. Je me souviens par contre d’une magnifique aubépine qui poussait au milieu d’un pré en Auvergne. Elle avait eu le loisir de déployer toute sa splendeur en régnant seule sur ce pré : un tronc de bien 40 cm de diamètre avec une couronne arrondie splendide.

Aubépine monogyne

Ici une aubépine en fruits photographiée proche de la côte de la Manche en Picardie.

J’ai toujours aimé grignoter les petites cenelles pendant mes promenades en automne. C’est toujours ça de pris en apport de vitamine C ! Elles ont une chair un peu farineuse mais fruitée avec un léger goût de pomme et contiennent un ou plusieurs noyaux.  Jusque là je ne les avais jamais transformées. J’ai bien aimé cette expérience et je recommencerai volontiers. Mais avant de vous dévoiler mes recettes, on va s’assurer de bien savoir de qui on parle !

Deux espèces d’aubépine aux mêmes utilisations

Il y a principalement deux espèces d’aubépine en France : L’aubépine monogyne (Crataegus monogyna) et l’aubépine épineuse (Crataegus laevigata). Elles sont d’aspect très proche et ont les mêmes utilisations.

Dans ce tableau je vous ai résumé les principales caractéristiques de reconnaissance.

Aubépine monogyne/ aubépine commune/ aubépine à un style Aubépine épineuse/ épine blanche
Cragaegus monogyna Crataegus laevigata (ou ocyanthoïdes)
arbuste de 5 à 10 m arbuste de 2 à 5 m
très épineux très épineux
Feuilles vert foncé (mais un peu plus clair que Crataegus laevigata), ovales, profondément dentées, de profondes échancrures forment 3 –5 lobes, luisantes* Feuilles vert foncé, ovales, très finement dentelées mais peu échancrées, luisantes*
Fleurs blanches ou rosées à un seul style**, 5 pétales et de nombreuses étamines, disposées en petit bouquet au bout des rameaux, odeur agréable Fleurs blanches ou rosées à 2-3 styles**, 5 pétales et de nombreuses étamines, disposées en petit bouquet au bout des rameaux, odeur désagréable
Fruit : cenelle à un seul noyau Fruit : cenelle à 2 ou 3 noyaux

Sources : Gérard DUCERF : L’Encyclopédie des plantes bio-indicatrices, volume 1; FITTER/FITTER/BLAMEY : Guide des fleurs sauvages

Quelques précisions :

*Gérard DUCERF, dans son Encyclopédie des plantes bio-indicatrices (volume 1), décrit les feuilles de l’aubépine monogyne comme non luisantes et celles de l’aubépine épineuse comme luisantes. Dans d’autres livres qui décrivent en général qu’une espèce, on parle pour l’une et l’autre de feuilles luisantes. Ce détail m’a intrigué. Je suis alors sortie dehors pour retourner voir mes voisines aubépines. Je n’ai trouvé que des aubépines monogynes par ici : les feuilles bien échancrées à 3-5 lobes et les fruits à un noyau (j’en ai gouté plusieurs pour ne pas vous raconter de bêtises). Bah je trouve que les feuilles de l’aubépine monogyne luisent un peu quand même ! Bien vertes et lisses elles sont un peu luisantes sur le dessus et plus blanchâtres et non luisantes sur le dessous. Peut-être sont-elles moins luisantes que celles de l’aubépine épineuse ? Il faudra que je trouve un spécimen pour comparer. Si vous en avez un par chez vous, je veux bien que vous me disiez !

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**Le style fait partie du pistil (partie féminine de l’organe reproducteur de la plante) qui est composé de l’ovaire, du style et du stigmate

Aubépine feuilles et fruits
Aubépine monogyne feuilles et fruits

Feuilles, fleurs et fruits

Au printemps, l’aubépine se revêt d’abord de feuilles avant d’ouvrir, au mois de mai/juin ses fleurs blanches, parfois légèrement roses à 5 pétales. Ces fleurs polonisées se transforment alors en fruits rouges appelées cenelles qui se cueillent au mois de septembre/octobre.

Elles ressemblent à de minuscules pommes rouges au bout d’un long pédoncule, en un peu plus allongé. Leur chair est farineuse, plutôt fade avec un léger goût sucré de pomme. Elles sont aussi appelées “poires du Bon Dieu”.

Comme le pommier, pêcher, amandier, prunier et beaucoup d’autres fruitiers connus, l’aubépine appartient à la famille des Rosacées. Même ses fleurs ressemblent à celles du pommier, sauf en plus petit.

Arbre protecteur

L’aubépine peut atteindre l’âge de 500 ans voire plus. Pendant longtemps, elle était plantée autour des maisons et des champs pour former, avec d’autres espèces épineuses comme le l’épine noire, l’églantier et le mûrier, des haies impénétrables. L’aubépine était longtemps vénéré comme arbre protecteur. Chaque 1er juin, les romains clouaient une branche d’aubépine sur les portes de leurs étables pour chasser les esprits des maladies.

Jusqu’au 18 siècle, il existait un rituel en Europe selon lequel il fallait se faufiler ou ramper sous une arche de branches d’aubépine pour se débarrasser de ses maladies.

Aujourd’hui, l’aubépine est reconnue pour son action favorable à la régulation de la circulation sanguine. On l’utilise aussi bien en cas d’hypertension artérielle qu’en en cas de faiblesse cardiaque. Ce sont les fleurs, feuilles et fruits qui sont utilisés à cet effet mais il faut en prendre sur une longue durée pour en ressentir les bienfaits. Sans pour autant avoir à souffrir d’effets secondaires que l’aubépine a l’avantage de ne pas causer !

Utilisations culinaires de l’aubépine

Au printemps, on peut récolter les fleurs d’aubépine au goût d’amande amère afin de parfumer des desserts, décorer des plats ou les faire sécher pour les consommer en infusion. Les jeunes feuilles se mangent en salade (voir cette recette) et parfument le vin d’aubépine, fabriqué par macération des feuilles dans du vin. Les fruits aussi s’utilisent séchés en infusion. On en fabriquait également une sorte de farine qui était mélangée à des farines de céréales dans la préparation de pains et pâtisseries.

Mais venons aux recettes !

Je vous ai testé deux préparations pour utiliser l’ensemble du fruit : chair et noyaux. En premier, je vous propose des verrines de faisselle à la compote d’aubépine puis un “café” aux noyaux d’aubépines.

Verrines de Faisselle à la Compote de Cenelles

Ingrédients pour une douzaine de verrines :

  • un bol plein de fruits d’aubépine (cenelles)
  • 2-3 cuillerées à soupe de miel
  • 2-3 cuillerées à soupe de jus de citron
  • 200 g de faisselle

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Préparation

Libérer les cenelles des pédoncules et bien les laver.

Cenelles cuisson

Placer les fruits dans une casserole et couvrir d’eau. Porter à ébullition et faire cuire 5 à10 minutes.

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Cenelles au moulin à légumes

Passer les fruits au moulin à légumes pour récupérer la chair.

Noyeaux de cenelles - moulin à légumes

Après passage au moulin à légumes, il ne reste plus que les noyaux, libérés de la chair. On va les garder de côté pour notre “café” d’aubépine. On y vient juste après.

Compote d'aubépine

Récupérer la chair en dessous du moulin à légumes et ajouter à la compote ainsi obtenue le miel et le citron.

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Remplir les verrines à mi-hauteur de faisselle puis ajouter la compote d’aubépine.

Ces verrines font un dessert original et accessible à tous les palais. Nature, la compote de cenelles est un peu fade mais l’ajout du jus de citron et du miel lui apportent l’acidité et le sucre nécessaire pour plaire. Par sa texture un peu farineuse la compote d’aubépines me fait penser à la confiture de nèfles que je servais dans mon restaurant sur des tranches de tome de brebis avec une salade de roquette.  Une compote de pommes acidulées à l’aubépine devrait être pas mal aussi. Des idées à creuser…

“Café” d’aubépine

Alors que faire des noyaux que l’on a gardé après la confection de la compote ?

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Après le passage des fruits au moulin à légumes (voir en haut), bien laver les noyaux, les étaler sur un torchon et les laisser sécher pendant plusieurs jours.

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Chauffer une poêle à sec, verser les noyaux.

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Les faire torréfier en remuant constamment avec une spatule. Les noyaux doivent être légèrement grillés sur l’ensemble de leur surface.

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Passer les noyaux grillés au moulin à café.

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Utiliser les noyaux d’aubépine torréfiés et moulus comme pour la préparation du café.

J’ai pour ma part utilisé une cafetière à piston : 4 cuillerées à soupe de noyaux torréfiés au fond de la cafetière, verser 1/4 litre d’eau frémissante, laisser infuser 5 minutes et faire doucement descendre le piston.

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Verser dans des verres à café et déguster avec ou sans sucre selon vos préférences.

Même si on ne peut pas vraiment comparer le goût de cette boisson avec le vrai café, je l’ai trouvée très agréable. Il me rappelle le café aux céréales que je buvais plus jeune. La réaction de mon mari était plus réservée…il a trouvé le goût “âpre et bizarre”. Il faut préciser que contrairement à lui je ne suis pas buveuse de café du tout !

Conclusion

En conclusion je dirais qu’il faut plutôt voir cette boisson comme une tisane un peu corsée que comme Ersatz de café.

En tout cas, j’adore cette exploration qui m’amène à mieux connaître cet arbre que je connais depuis des années pour ces bienfaits pour le coeur.

J’ai encore une autre petite préparation en cours à base de ses fruits mais elle a encore besoin d’un temps de séchage ! Je vous en reparlerai bientôt !

Merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout ! J’espère qu’il vous aura été utile. Parlez-moi de vos expériences avec les cenelles en commentaire. Et n’hésitez pas à en goûter lors de votre prochaine balade !

A la semaine prochaine pour une nouvelle plante, un nouvel article !

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33 thoughts on “Fruits d’aubépine : Compote, « café » et bien d’autres usages

  1. Bonjour, avant de découvrir votre site j’étais tombée sur l’information que les petits noyaux de l’aubépine sont toxiques (cyanide). Moi qui suis à l’affût de fruits sauvages comestibles, je dois dire que ça m’a refroidi. Qu’en dites vous?

    1. Bonjour Ann,
      Je n’ai pas trouvé d’information spécifique sur la toxicité des noyaux d’aubépine. En effet, beaucoup d’espèces de la famille des rosacées contiennent un hétéroside cyanogénétique comme c’est le cas des pépins de pommes et de poires. Ce que je conseillerais, c’est de ne pas en abuser. Mais un « café » de graines de cenelles de temps en temps, à mon avis, ne doit pas poser de problèmes.

  2. Bonjour,

    J’ai fait la première récolte ce week-end. N’ayant pas de moulin à légumes et après 1h d’epluchage sans grand succès… Pouvez-vous me dire vous avez déjà séché les fruits? Si oui entiers? Combien de temps et après le séchage vous les avez coupés? Puis-je les manger entières une fois séchées ou dois-je privilègier les tisanes?

    1. Bonjour Marie,
      J’ai fait un essai de séchage des fruits l’année dernière. Pour cela, je les ai étalés sur un plaque de four et je les ai mis à température minimum pendant une heure, laissé sécher 2 heures, remis à température minimum 1 heure, séché deux heures… Cela plusieurs fois jusqu’à finir le séchage à l’air libre pendant plusieurs jours.
      Les cenelles séchées peuvent ainsi servir en infusion ou alors dans des pâtisseries. Mais avant de les incorporer dans une pâtisserie, il faut enlever les noyaux. J’ai utilisé un moulin à café électrique pour cela. Les noyaux sont tellement durs qu’ils ne sont pas broyés. On peut alors facilement séparer la poudre de chair séchée et les noyaux.

  3. Un grand Merci Nathalie pour votre article sur les cenelles et leurs utilisations !
    Quel plaisir de vous écouter, de vous lire et de faire vos recettes !
    Pour ma part, j’ai réalisé des crèmes à la tanaisie le wd dernier ; j’ai beaucoup aimé !
    Au plaisir de vous retrouver pour un prochain article, je vais me balader et partir à la recherche d’aubépines !
    Excellent dimanche à vous et aux personnes qui suivent votre site.

  4. Bonjour,
    Nathalie,
    C’est toujours avec beaucoup de plaisir que je lis vos articles et regarde vos vidéos:merci pour tous vos conseils, suggestions ,recettes!
    Bonnes explorations et à bientôt !
    Laurence

  5. Bonjour, lors de notre marche ce matin, nous sommes passés devant plusieurs aubépines, et je me suis rappelée le titre du mail reçu hier. Au retour, je me suis précipitée pour lire votre article (toujours aussi intéressant et qui donne envie d’essayer).
    je retournerai en cueillir pour réaliser la verrine.
    Merci. Béatrix

  6. J’ai déjà fait un essai de confiture de cenelles d’églantine, en les passant au moulin à légumes comme vous l’expliquez. C’était pas mal mais un peu gâché par les petits bouts noirs qui restent sur les fruits même après le passage au moulin à légumes.
    Du coup je n’en ai pas refait, un peu rebutée par l’idée d’enlever tous ces petits bouts noirs à la main avant de faire cuire les fruits (ou après, ce qui n’est pas mieux je pense).
    Quelqu’un a-t-il une idée pour éviter ce travail fastidieux?

  7. Bonjour, merci pour vos recettes. J’ai découvert les plantes sauvages avec Guy Laliere (entre autre 😃) . Je vais tester ce week-end.

  8. Bonjour Nathalie,
    Merci pour toutes ces précieuses informations ! Je ne trouve pas la recette du café de noyaux de cenelles sur votre site.. vous l’avez retirée ?
    Merci beaucoup,
    Belle journée (et bon stage !)
    Anne-Audrey

  9. Bonjour, voilà 17 ans que je vis dans 4 hectares de prés et je vous découvre, avec aussi tout ce qu’il y a dans ces 4 hectares!!!! Donc j’ai une superbe aubépine aussi et je vais de ce pas ramasser les cenelles !!!! j’ai aussi goûté ses fleurs en beignets lors de votre publication au printemps et en ai fait manger à ceux qui passaient par chez moi à cette époque …… lol… un vrai régal. j’ai continué avec les 4 pieds de sureau que je voulais arracher, heureusement, je vous ai découverte avant !!!!

  10. Merci Nathalie pour tous ces merveilleux articles, conseils, recettes etc.. gràce à vous je découvre et j’ose davantage de cueillettes et recettes. J’ai adoré les fleurs de carottes en beignets. La semaine prochaine j’irai récolter des cenelles, la lune du 2 au 3 octobre est propice à la récolte des fruits suivant le calendrier lunaire… je suis débutante et me demande si vous en tenez compte pour vos cueillettes et conserves pour l’hiver ?
    Bonne journée

  11. Bonjour,
    Existe-t-il un aubépine sans épine, car toutes les autres caractéristiques sont là. J’ai cueilli les cenelles, mais je n’ose pas les consommer.
    Bien cordialement.
    Elisabeth

    1. Attention à ne pas se tromper : il y a parfois peu de différences entre deux plantes.
      Par exemple, quelqu’un m’a offert au printemps un bouquet croyant connaître les fleurs dont ce qu’elle pensait être une valériane et de l’aubépine. Après vérification grâce à une clé de détermination (et mon expérience…), il s’agissait de la centrante rouge et du pommier sauvage.
      Il vaut mieux montrer la plante très rapidement à un vrai spécialiste local.
      Bonne cueillette
      Nicole

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