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Alliaire : ail ou moutarde ?

En lisière de forêt, à mi-ombre, dans des endroits frais, on rencontre couramment une petite plante dont l’identification est assez simple et qui est bien utile de connaître  : L’alliaire (alliaria officinalis). Comme son nom le laisse deviner, elle a quelque chose en commun avec l’ail. Dès que vous frottez ses feuilles entre les doigts, vous pouvez vous en apercevoir. Vous sentez une odeur d’ail étonnante dont vous pouvez vous servir dans de nombreuses préparations culinaires.

Allaire, jeunes feuilles d'automneAlliaire (Alliaria petiolata), feuilles basales

Pourtant, cette plante ne fait pas du tout partie de la famille botanique des aulx. L’alliaire est une brassicacée, appartient donc à la famille des choux, comme le cresson, la moutarde et le radis.  La plupart des plantes de cette famille ont un goût piquant. L’alliaire est la seule plante de cette famille à avoir une odeur et un goût d’ail.

Description

Quand l’alliaire sort de terre au printemps, elle développe d’abord des feuilles basales que vous voyez sur la photo ci-dessus. Elles sont “réniformes” , c’est à dire en forme de rein au bout d’un long pétiole, dentées, glabres (sans poils) et gaufrées. Ce dernier terme veut dire que la feuille donne à penser qu’on l’ait passée dans une machine à gaufres à alvéoles irrégulières (cette description sort tout droit de mon imaginaire…). Souvent, on aperçoit l’alliaire en colonie. Ses racines produiraient des substances qui repoussent d’autres plantes et lui permettrait alors de faire sa place “en groupe”.

L’alliaire est une plante bisannuelle. La première année elle va donc se contenter de produire des feuilles basales. C’est la deuxième année qu’elle s’élance en l’air avec une tige assez droite de 30 à 80 cm, pouvant atteindre 1 mètre. Les feuilles sur cette tige n’ont pas la même forme que les feuilles basales. Elles ne sont plus réniformes mais cordiformes (en forme de coeur), pointues et vers le haut de la tige elles deviennent de plus en plus triangulaires. Aussi, plus on va vers le haut de la tige, moins leur pétiole est long et plus les feuilles sont petites.

Arrive alors, à partir du mois d’avril,  l’inflorescence. Elle se présente en haut de la tige en forme de  grappe de fleurs blanches à 4 pétales en croix. Ça nous rappelle quelque chose… Quatre pétales en croix : C’est une des caractéristiques de la famille des brassicacées, appelées “crucifères” avant. Au début de la floraison, les fleurs sont groupées en grappe dressée. Au fur et à mesure de la floraison (d’avril à juillet) la tige s’allonge. Les boutons et fleurs se trouvent tout en haut, laissant les fleurs fanées et les fruits en formation derrière elles plus bas sur la tige.

Alliaire en fleurs par travel_stuffiesPhoto Travel Stuffies

Les fruits sont des gousses, appelées siliques, anguleuses, d’abord vertes et devenant marron foncé, refermant des graines noires à maturité. Quand ils sont encore verts et se dressent en l’air depuis la tige, ils me font penser à des pattes de mante religieuse. La tige de l’alliaire devient une mante religieuse à pattes multiples Smile.

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Alliaire siliques Andreas Rockstein

Alliaire : Siliques et fleurs. Photo Andreas Rockstein

Une plante “solidaire”

J’ai observé autre chose de curieux… Vous connaissez sûrement diverses plantes bisannuelles : La carotte sauvage par exemple ou la bardane. Chaque année, on peut observer certaines carottes et bardanes ne faire que des feuilles sans faire de fleurs (elle sont alors en première année) et d’autres faire des feuilles et des fleurs (elles sont alors dans leur deuxième année). L’alliaire, dans une même station voire dans une même région, va se comporter pareil partout : Ou tous les individus ne forment que des feuilles basales. Ou tous les individus montent en fleur. Cette année par exemple, autour de chez moi, toutes les alliaires étaient en première année. Je n’ai vu aucune fleur nulle part ! Curieux, non ?!

Alors qu’est ce que l’on mange dans l’alliaire ?

En premier lieu c’est les feuilles qui sont utilisées. Avec leur arôme d’ail elles parfument salades, sauces, pains, gratins, fromages frais etc. Il est préférable de les consommer crues car après cuisson c’est leur amertume qui prévaut. Je les utilise fréquemment dans des pistous, des sauces au yaourt, ou hachées et parsemées au moment de servir sur des légumes et des céréales ou alors dans des salades. Et bien sûr en apéritif, à la façon que je vous décris à la fin de l’article !

On peut également manger les fleurs qui ont toujours un goût d’ail mais plus délicat. Elles décorent joliment les salades et peuvent s’incorporer dans les mêmes plats que ceux cités ci-dessus.

Les siliques vertes sont légèrement piquantes et peuvent se manger crues, cuites et même frites. Elles réhaussent bien le goût d’un plat.

Une fois mûres, les graines contenues dans les siliques rappellent le goût piquant de la moutarde et peuvent être utilisées comme celle ci. Ecrasez-les à l’aide d’un mortier, ajoutez un peu de vinaigre et faites votre vinaigrette ! D’ailleurs, le nom anglais de l’alliaire est garlic mustard : “Moutarde aillée”, la moutarde étant une brassicacée comme l’alliaire.

De l’alliaire toute l’année

Ce qui est pratique avec l’alliaire c’est que l’on en trouve une bonne partie de l’année. Au printemps elle est une des premières plantes que l’on cueille en abondance. On peut cueillir les feuilles basales comme les feuilles sur la tige. A partir d’avril on ajoute les fleurs et bientôt les siliques puis les graines jusqu’en août.

Dans les endroits abrités du soleil et les années pas trop sèches on peut trouver des feuilles basales tout au long de l’été. Quand c’est trop la canicule, c’est sûr, les feuilles ne sont pas en super forme… Mais après les premières pluies d’automne elles repartent joyeuses, comme au printemps ! Par contre, vous ne trouverez pas l’alliaire dans les régions sèches. Elle aime son petit confort…

Vertus médicinales

Il n’y a pas qu’en cuisine que l’alliaire trouve emploi. Son utilisation comme plante médicinale est documentée depuis le 16ième siècle. Elle ne fait pas beaucoup parler d’elle mais lors de mes recherches je lui ai quand-même découvert un nombre impressionnant de vertus (celles mises en gras ont été les plus citées) : Antiseptique, vermifuge, anti-diarrhéique, dépurative, diurétique, expectorante et anti-infectieuse. Appliquée en cataplasme elle serait vulnéraire, antiputride et utile pour calmer les piqûres d’insectes. La plante contient, de plus, de la vitamine A et C.

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Il est conseillée d’employer la plante fraîche ou l’alcoolature (teinture mère) car elle perd une grande partie de ses propriétés, ainsi que son goût, après dessication.

Venons à la recette !

C’est donc les feuilles fraîches d’automne qui m’ont servi à vous préparer la recette qui suit. Après la tarte aux glands et aux noix de la semaine dernière, très longue à préparer (voir l’article Peut-on manger des glands ?), je vous présente ici une recette toute simple et rapide. Mais pas des moins sympathiques !

Canapés apéritives de beurre d’alliaire

Ingrédients

  • 200g de beurre
  • 30 à  35 feuilles d’alliaire
  • sel
  • tranches de pain
  • légumes de couleur (betterave rose et jaune, carotte violette, radis rose et radis violet, tomates cerise…)

Préparation

1 heure avant la confection de la recette couper le beurre en morceau, le placer dans un grand bol et laisser à température ambiante.

Ingrédients beurre d'alliaire

Laver et essorer les feuilles d’alliaire. Les hacher.

Si vous les hachez au couteau, j’ai une petite astuce pour vous : Le plus pratique c’est de bien superposer les feuilles les unes sur les autres dans le même sens. Vous pouvez alors couper de fines lamelles dans un sens, les tourner sur 90° et les recouper dans l’autre sens.

Allaire, deuilles superposées Alliaire technique de coupe

Alliaire haché

 

A l’aide d’une fourchette, mélanger les feuilles hachées avec le beurre, saler.

Beurre d'alliaire

Nettoyer les légumes et coupez des petits morceaux pour la décoration.

Beurre d'alliaire, légumes, pain   Tartine de beurre d'alliaire

Beurrez les tartines de pain, les couper en canapés et décorer d’une touche de légume de couleur, ou – quand c’est la saison – de fleurs sauvages comestibles (des pâquerettes, fleurs de mauve etc). Bien sûr, si c’est la période des fleurs d’alliaire, n’hésitez surtout pas à en décorer les canapés !

Bouchées beurre d'alliaire (2)

Bon apéro !

Vous pouvez aussi vous servir des jolies feuilles comme support pour des bouchées variées, comme ici des canapés de fromage blanc aux herbes.

 

Canapés sauvages

Soyez inventifs ! Dès que vous avez identifié avec certitude une plante sauvage comestible utilisez là pour vous familiariser avec et faites vos expériences culinaires ! Vous allez être ravis par la diversité que cela vous apporte en plus des bienfaits pour vote santé en terme d’apports en vitamines et autres micro-nutriments. Quelques plantes sauvages comestibles au quotidien c’est mieux que des compléments alimentaires !

Merci d’avoir lu cet article ! Mettez-moi en commentaire quel a été votre dernier plat sauvage. Quelles expériences avez-vous faites ?

A la semaine prochaine pour un prochain article dans mon défi “une semaine-une plante-un article” pendant tout l’automne/hiver !

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29 thoughts on “Alliaire : ail ou moutarde ?

  1. Comme d’habitude, un très bel article, je vais tenter de le trouver et j’ai envie de l’associer à un fromage blanc, merci encore pour ces bonnes idées

  2. Bonjour Nathalie
    Trouves t on l alliaire en bordure de la mer et plus particulièrement en Normandie ? Car si je ne consomme pas de produits laitiers de vache (merci les allergies 😒) je pourrais toujours la déguster avec du fromage blanc de chèvre.
    J ai beaucoup apprécié votre video merci et bonne semaine

    1. Bonjour
      J’en ai trouvé aujourd’hui en bordure de bois en suisse normande près de la voie verte entre thury et st Rémy. ..

  3. Bonjour,

    Merci mille fois !
    Comme cela arrive souvent lors d’une recherche, on part d’un sujet pour en arriver à un autre. Du bigaradier sur Wikipedia, je suis passé à ‘allopathie’ pour arriver sur votre site via la plante ‘moutarde à l’ail’, soit alliaire. Du plaisir de musarder…
    Bref, je viens de dévorer cet article et mets de suite la page d’accueil dans mes signets avant d’explorer plus avant vos exposés de ce que je pourrai inscrire à mes repas. Hop !

    En vous souhaitant, ainsi qu’à vos lecteurs, d’excellentes cueillettes d’automne,

    Laurent

    PS : les promenades de ma cocker vont me faire voir certaines plantes différemment. Miam.

  4. Découverte et 1ère cueillette d’alliaire, cet après-midi (je ne connaissais pas cette plante!). Petits canapés prévus pour accompagner l’apéro, et salade en fin de repas. Je suis sûre qu’on va se régaler!
    Peut-on congeler les feuilles hachées, afin d’en avoir toujours un peu sous la main?
    Merci pour tous ces articles, complets et intéressants.

    1. Je pense que ça se fait comme pour la ciboulette et d’autres plantes aromatiques. Il faut voir si les arômes se conservent bien. J’utilise peu la congélation, il y a toujours de nouvelles plantes à cueillir dans la nature…

  5. Dernier plat sauvage? J’ai utilisé alliaire, lierre terrestre et plantain comme apéro (pas très décoratif) e, salant bien et en les laissant cuire avec un peu d’huile. Ca fait comme des chips naturels… Ensuite, on va manger la quiche à l’ail des ours. Comme j’habite en ville et qu’il nest pas si facile de se procurer des légumes sauvages frais tous les jours j’ai fait une grande cueillette d’ail des ours chez des amis à la campagne, j’ai ajouté de la berce, du plantain, de l’alliaire, du lierre terrestre et du gaillet, et j’ai confectionné du pesto à l’ail des ours, un autre au plantain et à l’alliaire, avec quelques graines de tournesol – puis j’ai congelé l’ail des ours qui me restait (j’en avais pris beaucoup) après l’avoir cuit avec un oignon revenu dans l’huile et un petit verre d’eau à couvert pendant 5 minutes). On verra!!!

  6. Bonjour Nathalie, j’ai trouvé de l’alliaire. Mais je trouve ça très amer, on perçoit à peine le goût d’ail. Est-ce qu’une fois haché il va pouvoir donner son gout d’ail, ou certain alliaire sont trop amers ? Ici je ne pourrais l’utiliser en canapé. Merci

    1. Le goût d’ail se sent bien dès le début normalement. Si cet alliaire est plus amer qu’aillé cela vient peut-être de la spécificité du sol ou d’autres particularités de l’endroit où il pousse.

      1. j’en ai ramené de St Bel (Rhône) en bordure de sous bois couvert d’ail des ours, le feuillage vert sombre, très amer, et chez une amie dans le Pilat (Loire) vert plus clair mais autant amer ! Du coup j’ai rien fait avec…

    2. Même chose : l’alliaire pousse partout près de chez moi mais à mon goût elle est immangeable car excessivement amère. J’ai du mal à comprendre comment les gens peuvent s’en régaler ? Pareil pour le plantain qui en plus d’être amer est particulièrement « coriace ». heureusement j’adore l’ail des ours qui est aussi très aussi très abondant par ici.

  7. Bonjour Nathalie.
    L’alliaire est-elle la même plante que le lamier blanc ?
    D’avance merci beaucoup et très belle journée.

  8. Bonjour, je me baladais hier à vélo dans une forêt toute proche et à plusieurs endroits je croisais des plantes qu’il me semblait avoir vu dans la chaine youtube « LeChemindelaNature » en trouvant votre mail ce matin j’ai enfin pu mettre un nom dessus: l’alliaire!
    Je peux dire que vers Saint Quentin en Yvelines (78) il est majoritairement en fleur en ce moment.
    Et encore merci beaucoup pour votre site.
    Marc

  9. Bonjour
    Première cueillette de plante »sauvage »pour moi..
    J’ai commencé par l’ortie et mélangée à des épinards en ai fait une excellente quiche. Expérience à refaire mais j’en cueillerai beaucoup plus…cela est très léger.
    J’ai beaucoup d’alliaire aussi , j’essaierai le beurre pour l’apero de dimanche prochain.
    Merci pour votre site qui, quand on débute est une mine d’or..

  10. Bonjour, belle découverte dans mon jardin cette année.
    Par contre on m’a dit que c’est une plante envahissante et qu’il faut en arracher les racines. Est-ce vrai ? Merci

    1. Bonjour Annie,
      Je ne la trouve pas vraiment envahissante… C’est une bisannuelle (elle n’a de ce fait pas de racines profondes). Si l’alliaire est en fleurs cette année chez vous les plantes vont mourir en fin de cycle (cet été après la fructification). Si le terrain, la météo etc. est favorable aux graines vous aurez l’année prochaine des feuilles qui resteront au sol. Dans deux ans vous aurez à nouveau des fleurs.

  11. Bonsoir Nathalie,
    Je suis apprentie cueilleuse de plantes sauvages et je commence à les cuisiner, je suis tombée sur votre site et je m’en réjouis, vos articles m’éclairent et m’inspirent; J’ai identifié chez moi l’alliaire et je me posais la question de savoir par quel autre ingrédient on pourrait remplacer le beurre? Encore merci pour tout ce partage, j’ai vu que vous aviez écrit un livre de cuisine sur les plantes sauvages je vais me laisser tenter!

  12. Bonjour,
    Cet article complète bien ma connaissance récente de l’alliaire. Je n’en faisais que du pesto salé à l’huile d’olive et j’avais récolté les graines car j’avais lu que cela pouvait être utilisé comme des graines de moutarde;
    Je découvre grâce à votre article la forme des feuilles de la plante d’un an et le fait d’utiliser les gousses vertes; Un bonheur cette plante !
    et vos idées et modes d’utilisation sont vraiment sympas. Dans la campagne grenobloise au sol plutôt calcaire de mon coté, le gout d’ail est prononcé. En Ardèche où elle fleurit déjà fin mars, je n’ai pas retrouvé ce printemps le gout aillé mais c’est ici qu’une voisine avait attiré mon attention sur cette plante disponible toute l’année pour les pesto.

  13. Bonjour,
    Découverte de l’alliaire dans mon jardin, en compagnie de l’ail des ours, je vais en faire des petits canapés de beurre pour l’apéritif de demain soir.
    Dans la semaine, j’ai cuisiné la fleur de coucou dans des sablés, de la gelée et pour ce soir un clafoutis.
    Depuis plusieurs années je vous suis sur votre blog et j’ai découvert dans mon jardin pas moins d’une vingtaine de plantes sauvages à « déguster » : ail des ours, alliaire, plantain, orties, lierre terrestre, primevères, cardamine des prés et érigée, égopode, lampsane, cerfeuil des bois… sans compter avec les pâquerettes, violettes….
    Merci à vous pour toutes ces découvertes et surtout ces dégustations.

  14. bonjour Nathalie, contente que tu parles avec autant de poésie des plantes sauvages . C’est un aspect important pour moi ! Je connais l’Alliaire depuis longtemps, nous la dégustions en canapés beurre-sel-feuilles et fleurs lorsque mes filles étaient petites. C’était toujours une fête de retrouver ces délices au printemps. Merci pour ton travail !

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