Aujourd’hui, je veux vous parler d’une petite plante de plus en plus présente mais qui passe souvent inaperçue tellement elle est discrète. Il s’agit de la cardamine hérissée (Cardamine hirsuta). Elle n’est haute que de 10 à 20 cm, elle n’a que peu de feuilles, de petites fleurs blanches, et elle est toute frêle. Mais qui la goutte saura reconnaître sa puissance : elle a la force du cresson et le piquant de la roquette.
De la famille des choux
En effet, la cardamine fait partie de la famille des brassicacées dont la plupart des membres contiennent des hétérosides sulfurés (ou glycosinolates). Ces substances sont responsables de la saveur amère ou piquante des choux, radis, cressons, moutardes etc… (qui sont tous de la même famille botanique).
Une autre caractéristique de cette famille est la structure de la fleur : 4 pétales en croix. Pour cette raison la famille a été appelée longtemps la famille des « crucifères ». Mais commençons à regarder la plante depuis le sol.
Feuilles en rosette
Les feuilles à sa base (= feuilles radicales parce qu’elles partent directement de la racine) poussent en rosette. Elles sont poilues et composées de 2 à 4 paires de lobes latéraux et d’un lobe terminal plus grand. La cardamine hérissée n’a pas beaucoup de feuilles sur la tige mais ces rares feuilles sont plus petites que les feuilles de la base et leurs lobes sont plus allongés.
La tige est anguleuse. Il peut y avoir plusieurs tiges qui poussent au milieu d’une même rosette et ces tiges sont souvent ramifiées. L’ensemble de la plante est parfois teinté de violet.
Fleurs blanches en grappe
Les petites fleurs blanches sont regroupées en une inflorescence qui a la forme d’une grappe. Naturellement, quand vous entendez « grappe, vous allez vous imaginer cela comme une grappe de raisin qui tombe vers le bas. Mais ici cette grappe est dressée vers le ciel. Les fleurs en bas de la grappe fleurissent en premier. Une fois défleuries, elles vont se transformer en fruits : des fines « gousses » longues jusqu’à 2,5cm appelées siliques. Par conséquent, quand les fleurs du haut de la grappe se décident enfin de fleurir, celles-ci se trouvent entourées de longs siliques qui les dépassent. Voici la photo qui rend tout ça plus clair :
En langage botanique on va dire : « Les fleurs blanches sont réunies en grappe terminale, longuement dépassées par les siliques inférieures. » Vous auriez dit pareil… ?
Quand les fruits sont mûrs, ils projettent les graines au moindre contact dans l’entourage. Comme la cardamine hérissée est une plante annuelle, ce sont ces graines qui vont assurer la survie de l’espèce, car les racines vont disparaitre à la fin du cycle annuel.
La cardamine hérissée de plus en plus fréquente
Dans mon atlas de la flore sauvage du département du Loiret, j’ai trouvé la note comme quoi la cardamine hérissée n’était que peu fréquente au 19ème siècle mais qu’elle est répartie, aujourd’hui, sur tout le département, essentiellement aux abords des villages. Depuis que je fais attention à cette plante, je m’aperçois qu’en effet, elle est présente un peu partout. Cela a sûrement un lien avec le fait qu’elle soit adaptée aux « sols perturbés ». Juste à côté de chez moi par exemple. Je n’avais pas observé de cardamine hérissée l’année dernière. Mais il y a eu des travaux et hop, la voilà !
On trouve notre petite cardamine aussi sur les talus des chemins et des routes, dans les cultures, les vignes et vergers, les maraîchages, jardins potagers et les haies. Son biotope naturel sont les lisières et clairières forestières, les forêts alluviales et les ripisylves (les forêts proches des cours d’eau).
Cette année, je l’observe en fleurs depuis fin février, c’est pourquoi j’ai choisi de vous en parler dans mon défi “une semaine – une plante – un article” tout l’automne et hiver ». Encore une plante sauvage comestible disponible pendant la période où l’on pense que rien ne pousse…
La cardamine des prés
Bien sûr, quand on parle de la cardamine hérissée, il faut parler de la cardamine des prés (Cardamine pratensis), une plante proche et certainement un peu plus connue.
Sa floraison démarre plus tard, en avril. La plante est plus grande, de 20 à 50 cm de haut et elle fait des fleurs plus grandes, de couleur blanche à rose vif avec des anthères jaunes, très jolies. C’est une vivace qui aime les prairies humides, les marais et les bordures des lacs et des étangs. Contrairement à la cardamine hérissée, la cardamine des prés est glabre (= sans poils) et sa tige est non ramifiée, ronde et creuse. Elle a également des feuilles en rosette mais ses feuilles caulinaires (celles qui partent de la tige) ont 6 à 12 folioles presque égales et lancéolées. Elle est aussi appelée cresson élégant, cresson des prés ou lilas des prés.
Propriétés des cardamines
Comme la plupart des plantes de la famille des brassicacées (par la présence de glycosides d’huile de moutarde abordée plus haut), nos deux cardamines stimulent l’activité hépatique et biliaire. Elles sont toniques, dépuratives, diurétiques, anti-infectieuses et expectorantes. Raison pour laquelle elles sont employées contre la toux et l’asthme. Elles sont aussi antispasmodiques ce qui leur vaut des mentions dans le traitement de l’épilepsie et les spasmes nerveux.
Riches en vitamine C
Les cardamines contiennent de grandes quantités de vitamine C. On a mesuré jusqu’à 360 mg de vitamine C par 100 g de plante, ce qui représente 3 fois nos besoins journaliers ! La pulpe de citron n’en contient que 51 mg par 100 g. Je vous avais dit qu’elle était petite, notre cardamine, mais puissante !
Drôles de légendes autour de la cardamine
Ce qui est curieux, ce sont ces traditions populaires qui se racontent sur la cardamine… Comme s’il fallait s’en méfier. En Allemagne il se disait que si on cueillait un bouquet de cardamine des prés, on allait s‘attirer la foudre. En Autriche, si l’on cueillait une fleur de cardamine, on allait être mordu par une vipère. Puis en Angleterre, on s’attirait des maux de tête si on ramassait des cardamines. Je vous rassure, de tels malheurs ne me sont jamais tombés dessus à la suite d’une cueillette de cardamines…
Quelle cardamine manger ?
En effet, il serait trop dommage de s’en priver ! Je recommande par contre plus particulièrement la cardamine hérissée en utilisation culinaire. Car je trouve que les feuilles de la cardamine des prés deviennent vite amères après floraison. Et même les fleurs, en plus d’être piquantes, ont une amertume assez présente.
La cardamine hérissée, quant à elle, a un agréable goût de cresson alénois que ma mère faisait pousser sur le rebord de la fenêtre quand j’étais petite. Si vous ne connaissez pas, on peut comparer son goût à celui de la roquette également. Dans certaines régions de France, cette plante était vendue sur les marchés sous nom de cressonnette.
Cueillette de la cardamine
Vous allez me dire, oui mais la plante est tellement petite, est-ce qu’elle n’est pas trop longue à cueillir ? Je trouve que non et je vais vous dire comment je m’y prends. Je ramasse d’un côté les rosettes de feuilles et de l’autre côté les fleurs et/ ou les fleurs avec leurs jeunes siliques. Il faut faire attention de ne pas les mélanger lors de la cueillette, donc j’utilise deux sacs ou deux paniers ; Ceci va faciliter le nettoyage. Là où les rosettes sont facilement accessibles, je coupe la rosette au ras de la racine. Toute la partie supérieure de la plante est alors entre mes mains. Je coupe la tige avec les fleurs pour la mettre de côté dans le panier à fleurs. Puis je vérifie si toutes les feuilles de la rosette sont belles et j’ôte, s’il le faut, les petites feuilles jaunes qui peuvent être présentes. Je préfère faire ce nettoyage sur le terrain au lieu de le faire de retour chez moi.
Aux endroits où les rosettes de feuilles sont cachées par d’autres herbes, je ne cueille que les fleurs. Et comme la plupart du temps, la cardamine hérissée arrive en grande colonie, les paniers se remplissent malgré tout assez rapidement. Je vous avoue, je prends de petits paniers… Et je j’utilise ma récolte plutôt comme un aromate qu’en tant que légume principal de mes plats. J’y reviens.
Lavage
Pour le lavage, je donne juste un bain rapide aux fleurs. Par contre, je prends le temps de bien enlever la terre des rosettes par trois bains successifs. Si par mégarde, vous avez arraché une plante entière avec ses racines, goûtez celles-ci ! Je les ai trouvées trop filandreuses pour les ajouter à mon plat, mais gustativement elles sont excellentes. Elles rappellent le goût du raifort.
Cuisiner la cardamine
Comme je vous disais, à cause de son goût assez prononcé et sa cueillette un peu longue, je vois la cardamine hérissée plutôt comme une plante que l’on ajoute aux plats pour réhausser leur goût, sans qu’elle soit leur ingrédient principal. Crue vous pouvez l’ajouter aux salades vertes ou composées. Elle peut aussi vous servir dans du fromage blanc, du beurre aux herbes ou du pesto, seule ou mélangée à d’autres plantes. Cuite, mélangez-là aux légumes, ajoutez-la aux farces, gratins et soupes. Et gardez toujours quelques fleurs pour la décoration !
Plus tard, quand les siliques seront sèches, vous pouvez récolter les graines pour relever vos sauces grâce à leur saveur piquante. Cette fois-ci, je suis bien d’accord, c’est un travail minutieux. Mais ça vaut le coût de goûter !
Prêt(e)s pour la recette ?
Salade de harengs à la cardamine hérissée
Ingrédients
- 1kg de pommes de terre
- 1 bol plein de feuilles, fleurs et jeunes fruits de cardamine hérissée
- 200g de hareng fumé
- 1 oignon rouge
- 1 cuillerée à soupe de moutarde
- 3 cuillerées à soupe de yaourt
- 4 cuillerées à soupe de vinaigre de cidre
- 3 cuillerées à soupe d’huile de colza
- 4 cuillerées à soupe d’huile d’olive
- ½ cuillerée à café de sel
- Poivre
Préparation
Faire cuire les pommes de terre en robe des champs. Les éplucher et couper en dés.
Couper les harengs en lanières.
Hacher la cardamine.
Couper l’oignon en rondelles
Dans un bol, mélanger la moutarde avec le yaourt. Ajouter le vinaigre de cidre puis petit à petit les huiles. Saler, poivrer.
Dans un grand saladier, mélanger tous les ingrédients.
Je vous souhaite beaucoup de plaisir lors de la cueillette, la préparation et la dégustation de ce plat.
Connaissiez-vous la cardamine ? Cet article vous donne-t-il envie de vous lancer dans la cueillette ? Je l’espère et je vous donne rendez-vous la semaine prochaine. Il y a encore tant de plantes à découvrir !
Bonjour madame, je viens vous remercier pour vos recherches sur les herbes et pour tout les enseignements que vous voulez bien partager.
C est un univers varié et captivant auquel je m intéresse depuis toute petite .
Je vous souhaite de continuer cette passionnante découverte.
Bien cordialement.Rachel.
Bonjour et merci pour toutes ces infos !
Par contre je ne comprend pas pourquoi vous séparez les fleurs des rosettes à la cueillettes, puisque vous hachez tout ensuite.
Merci pour votre réponse.
C’est quand je veux justement pas tout utiliser ensemble amis utiliser les fleurs d’un côté et les feuilles de l’autre.
Bonjour,
J’ai découvert la cardamine hérissée grâce à vous, je vais de ce pas en cueillir un peu pour agrémenter le repas de midi. Merci pour vos explications bien claires et qui donnent envie de tenter l’aventure 🙂
Bonjour, j’ai me beaucoup la cardamine herissée pour son petit gout de cresson, elle pousse chez moi en abondance dans les gravillons et se ressème toute seule. On est en septembre,et elle j’ai remarqué qu’elle commence déjà à pousser. (je n’utilise aucun produit chimique au jardin).Je l’utilise surtout crue dans les salades avant floraison. J’ignorais toutes ses propriétés, et que l’on pouvait manger aussi les fleurs et les fruits de la cardamine hérissée. Je vous garde en favoris. Merci pour le partage.
Merci infiniment ! Peu connue cette plante, je vais partir à sa recherche et la cuisiner suivant vos indications !
Merci pour ce partage ! Souvent nous n’avons pas toutes les informations. Mais ici tout y est ! Un vrai bonheur. Encore un immense merci 🙏