Station de mâche sauvage, valerianella locusta

La mâche sauvage – précieuse salade d’hiver

En janvier/février, des feuilles fraîches, tendres et douces sont rares. Mais à notre grande joie, la nature a inventé la mâche sauvage, ou doucette. C’est une plante annuelle qui a la particularité de démarrer son cycle (germination, croissance, floraison, fructification, mort) dès l’automne. C’est pour cela que l’on peut trouver ses rosettes de feuilles pendant tout l’hiver. L’aubaine ! Car en plus, la doucette est bourrée de bonnes choses qui font du bien, spécialement à cette époque.

Station de mâche sauvage, valerianella locusta
Station de mâche sauvage en hiver

Mais regardons d’abord cette petite plante de près pour être bien sûrs de bien la reconnaître

La mâche, Valerianella locusta, est une plante de la famille des Caprifoliacées (anciennement Valérianacées), comme la valériane, connue pour sa racine aux effets ré-équilibrants sur le système nerveux. Mais ce qui rassemble les plantes sous une même famille c’est surtout la structure de leurs fleurs et fruits.

Feuilles en rosette et opposées sur la tige

Les feuilles basales de la mâche sont regroupées en rosette et apparaissent souvent en colonies. Les feuilles sont entières, allongées, rondes à l’extrémité et légèrement charnues. C’est à ce stade de rosette que l’on récolte la doucette de préférence, avant l’apparition des tiges. Ces dernières arrivent vers le mois d’avril. La tige est un peu rude au toucher dû à des petits aiguillons recourbés vers le bas qui s’y trouvent. Quand on l’observe attentivement, on se rend compte que la tige se divise en formant un V. Elle continue à pousser des deux côtés et se divise encore en V etc. Les botanistes disent qu’elle est « régulièrement divisée en deux de façon dichotomique* », ce qui est caractéristique de la valerianella.

Mâche sauvage avec tige en V - photo Mary PK Burns
Mâche sauvage avec tige en V – photo Mary PK Burns

A chaque ramification, on trouve une paire de feuilles opposées. Souvent, les feuilles caulinaires (= qui poussent sur la tige) sont légèrement différentes des feuilles basales. Ici elles sont souvent plus longues et légèrement dentées. Mais il est rare que l’on prête attention à la mâche au moment où elle déploie ses tiges et ses fleurs qui, pourtant, montent jusqu’à 20-30cm de hauteur. Au mois d’avril et mai où cela arrive, la nature est tellement abondante que notre doucette délicate aux fleurs minuscules se fait dépasser par de nombreuses autres espèces plus voyantes et en pleine expansion.

Regard amoureux sur les fleurs

De toute façon… qui connaît les fleurs de mâche ? On est tellement habitué à la voir en rosette bien verte sur le marché que l’on ne s’imagine à la limite même pas qu’elle puisse avoir des fleurs… Pourtant, on passe à côté de quelque chose. Car autant les petites fleurs sont jolies autant elles se mangent. Et reconnaître les fleurs de mâche en juin m’a plus d’une fois permis de repérer des endroits à mâche pour l’hiver prochain.

Donc, je vais vous les décrire : les toutes petites fleurs d’un diamètre de 1 à 2 mm sont bleu pâle. Elles sont groupées en petites têtes serrées. Chaque fleur a 5 pétales arrondis, soudés en tube, qui sont entourés de petites bractées vertes. Mais tout ça c’est vraiment très petit, le mieux c’est de regarder avec une loupe pour voir les détails. J’appelle ça « le regard amoureux ». Car plus on regarde de près, plus on se rend compte des détails, de la beauté et de l’harmonie de la plante. Et on ne peut que tomber amoureux de cette beauté. En tout cas c’est l’effet que ça me fait 😊.

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Fleurs de mâche sauvage - photo Hugh Knott
Fleurs de mâche sauvage – photo Hugh Knott

Des espèces difficiles à distinguer

Il y a une quinzaine d’espèces de mâches sauvages (valerianella avec différents petits noms) en France qui se distinguent presque exclusivement par la structure de leurs fruits. Mais j’avoue que je n’ai pas encore porté mon « regard amoureux » sur les minuscules fruits de la mâche sauvage… En tout cas, toutes les espèces se consomment de la même façon et ont les mêmes propriétés. Il faudrait juste faire attention avec la Valerianella eriocarpa qui pousse dans le Midi de la France et qui est rare.

Indicatrice des sols lessivés

La doucette pousse sur des sols nus ou cultivés, sur des talus, en bord de chemin, dans des vieux murs et dans les dunes. Gérard Ducerf écrit dans son encyclopédie des plantes bioindicatrices que l’ensemble des espèces de mâche indiquent des sols sujets à érosion et à lessivage, qui ont un faible pouvoir de rétention d’eau. Elles démontrent une carence en argile et en humus stable. D’après Gérard Ducerf, les agriculteurs qui voient de la mâche dans leurs terrains doivent agir en toute urgence s’ils veulent garder leur sol fertile, l’érosion entrainant avec elle la richesse du sol. Il ne faut pas croire que c’est la mâche qui entraîne cet effet d’érosion. La mâche est tout simplement adaptée à ce genre de sols et indique du coup par sa présence l’état de ce dernier. Dans un champs agricole le processus d’érosion est un problème, lié d’ailleurs souvent à des pratiques inadaptées. Mais dans une dune et les sables d’une vallée alluviale où la mâche élie naturellement domicile, l’érosion et le lessivage sont complètement naturels.

La mâche pleine de vertus

La mâche a une teneur élevée en bêtacarotène, en vitamines B1, B2, B3, B6 et acide folique. Elle contient 3 ou 4 fois plus de vitamine C que la laitue. Elle est également riche en fer, calcium, magnésium, potassium, zinc et cuivre. Les mucilages qu’elle contient font d’elle la salade la mieux digérée. Les substances mucilagineuses sont des éléments qui gonflent en contact avec l’eau et qui forment comme un gel autour d’eux. De ce fait la mâche est aussi émolliente (elle amollit et relâche les tissus) et légèrement laxative. Son autre vertu est d’être dépurative, c’est-à-dire qu’elle aide le corps à se débarrasser de ses toxines, ce qui est certainement lié à sa richesse en chlorophylle. Alors que diriez vous d’une cure de salades de doucette pour éliminer la fatigue hivernale et renforcer l’organisme contre les maladies ?

Allons alors à la cueillette de la mâche !

Au moment, où on va la récolter, il n’y a que la rosette de feuilles donc on ne peut pas avec certitude déterminer l’espèce. Mais j’ai dit plus haut que toutes les espèces de mâche (valerianella) se mangent. Par contre, certaines plantes ont des rosettes de feuilles qui ressemblent et quand notre regard n’est pas encore affûté par des années de pratique, on peut avoir un doute. François Couplan, dans son guide des plantes sauvages comestibles et toxiques, propose de goûter un tout petit morceau de feuille pour être fixé. Aucun danger n’est à redouter dans la pratique de cette méthode, car il suffit de goûter un fragment de feuille et nulle plante toxique ne ressemble à la « doucette ».

Tiges, fleurs et graines

 Les tiges et fleurs sont également comestibles et peuvent être ajoutées aux salades. Souvent elles atterrissent dans des salades composées d’autres feuilles sauvages. Car au moment où la mâche fleurit on a généralement le choix entre de nombreuses feuilles fraîches et tendres…

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Je préfère toujours manger la doucette crue pour profiter de ses vitamines et parce que son petit goût de noisette est absolument exquis en salade. Il est doux mais plus intense que celui de la mâche cultivée. Mais vous pouvez aussi vous servir de la mâche en légume comme des épinards, en soupe, en gratin, en pistou, en sauce…

Si elle n’a pas été fauchée avant, les graines de mâche peuvent se récolter en juillet-août. On peut les faire germer sur le rebord de fenêtre en hiver, à la façon des graines de cresson. Ou alors on s’en sert pour les multiplier dans son jardin…

Salade de mâche au brocoli et avocat, vinaigrette noisette

Ingrédients pour 2 personnes

Ingrédients

  • 1 bol de feuilles de mâche sauvage
  • 1 avocat
  • 1 petite tête de brocoli
  • 1 échalote
  • 1 cuillerée à soupe de purée de noisettes
  • 2 cuillerées à soupe d’huile de colza
  • 1 cuillerée à soupe de vinaigre de cidre
  • 1 cuillerée à café de tamari (sauce soja)

Préparation

Bien laver les feuilles de mâche et les essorer.

Mâche sauvage lavée

Diviser le brocoli en rosettes et le faire cuire à la vapeur de façon à ce qu’il reste encore légèrement croquant.

Brocoli cuit à la vapeur

Couper l’avocat en deux et le « démouler » à l’aide d’une cuillère à soupe que l’on laisse glisser entre la peau et la chair. Couper la chair en cubes.

"Démouler" un avocat

Dans un bol, mélanger les ingrédients pour la sauce : purée de noisette, huile de colza, vinaigre de cidre et tamari. Ajouter l’échalote ciselée.

Sauce noisette et échalote

Sur deux belles assiettes dresser la mâche, le brocoli et les cubes d’avocat. Verser la sauce.

Salade de mâche, brocoli et avocat, sauce noisette

Une recette toute en douceur

J’adore ce mélange brocoli, avocat et mâche. On reste dans la douceur avec différentes textures et ce mélange se marie super bien avec la noisette. Je vous avais parlé de la purée de noisette dans mon article sur le noisetier. Il s’agit d’un produit 100% noisette sans aucun autre ingrédient et j’adore m’en servir dans les vinaigrettes comme ici ou sur mes tartines, dans certains desserts ou pour confectionner un coulis pour accompagner un dessert aux fruits ou une pâtisserie.

Je vous avoue que la cueillette et le nettoyage de la doucette m’ont pris un peu de temps car les feuilles sont encore très petites. Il paraît qu’elles sont les plus grandes au moment où les tiges et les boutons floraux commencent à se pointer. Mais quel plaisir, en plein hiver, de se préparer une salade fraîchement cueillie !

J’espère que vous aurez appris des choses à travers cet article et qu’il vous donne des idées à mettre en pratique. Allez-y, ce n’est que du plaisir ! Vous avez l’habitude de cueillir de la mâche sauvage ? Dites-moi vos expériences en commentaire !

Au plaisir de vous lire et à la semaine prochaine pour une nouvelle plante et une nouvelle recette.

*la dichotomie = mode de croissance des axes végétaux consistant en une suite de partages en deux rameaux égaux sans axe principal

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10 thoughts on “La mâche sauvage – précieuse salade d’hiver

  1. Merci pour cet article qui m’a permis de vérifier que ce qui pousse dans un des pots du jardin est bien de la mâche. Je viens d’en gouter les fleurs: je vais continuer d’en picorer en passant: c’est délicieux!

  2. Merci Nathalie, chacune de vos lectures ou videos si bien expliquées avec simplicité et érudition sont des découvertes pour moi, je me sens sécurisée pour essayer, un nouvel horizon s’ouvre à moi (passionnée par la cuisine j’ai été journaliste culinaire et gastronomique autrefois) mais là je suis complètement inculte. C’est un vrai bonheur de vous lire et relire. Je souhaite pouvoir venir à un ou plusieurs de vos séjours cueillette et cuisine de deux jours (mais hélas c’est complet quand je suis disponible car je travaille encore beaucoup).
    Avec toute mon estime et mon admiration.

  3. Bonsoir Nathalie, encore un voyage, autour de la doucette…vous parlez de la purée de noisettes : en avez-vous déjà fait ? si oui, pouvez-vous nous joindre la recette ? Bonne soirée , au plaisir de vous retrouver !

      1. La réponse était il y a longtemps… avec un bon robot qui broie bien, c’est délicieux. Il faut juste faire un bon broyage pour que l’huile ressorte (et pas besoin d’en rajouter !)
        Bonne dégustation

  4. J’adore la mâche et par chance elle pousse spontanément dans mon jardin ! Avec ma mère on allait enfant la cueillir dans la campagne environnante et elle réveille en moi de bons souvenirs…
    Pour moi en salade avec une pointe d’ail et oeuf dur voir même quelques lardons poêlés .
    Merci pour tout vos articles qui nous offrent de nouveaux horizons culinaires…

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