La parole est à Laura du blog « ma petite forêt » dédié à l’école en forêt. Elle se penche ici sur la question de l’apprentissage des enfants à travers une sortie pour cueillir et cuisiner les plantes sauvages. Merci à Laura pour cet article !
Cueillir et cuisiner les plantes sauvages comestibles avec des enfants peut, à première vue, être une aventure périlleuse! Tout parent ou animateur nature qui aura tenté l’expérience sait qu’il n’est pas toujours évident de faire du moment de cueillette et de cuisine de plantes une activité qui maintient l’attention de tous les enfants sans qu’elle ne devienne une entreprise risquée pour la santé des petits aventuriers!
Les animateurs ou enseignants en “écoles du dehors” ou “écoles-forêt” ou encore “écoles en nature” transforment les moments de cueillette-cuisine en de véritables séquences d’apprentissage. Et pas seulement d’un apprentissage focalisé sur l’environnement ou la botanique. Mais bien d’un apprentissage de la vie, qui permet le développement complet des enfants.
Cueillir et cuisiner les plantes : apprendre la vie
Je vous propose donc de découvrir comment peut se faire une journée de cueillette-cuisine en école de la nature, à travers la préparation d’un repas automnal complet. L’automne est une période riche en fruits et racines. Comme l’écrit Nathalie dans cet article dédié aux plantes sauvages comestibles au long des saisons :
“C’est l’abondance au niveau des fruits (mûres, cenelles de l’aubépine, prunelles, nèfles, glands de chêne, châtaignes, fênes du hêtre etc…). Aussi, on peut commencer à récolter les racines. Pour certaines plantes elles ont un rôle d’accumulation de réserves et sont de ce fait charnues et riches en nutriments (carotte, panais, pissenlit, bardane, berce, salsifis, campanule raiponce…).”
En cette période d’automne, nous aurons au menu :
– Apéritif : noix et noisettes, feuilles de noisetier et pignes de pommes de pin
– Entrée : soupe de châtaignes et orties
– Plat principal : omelette aux jeunes pousses d’automne
– Dessert : châtaignes et cenelles
Au lieu de vous lister les détails de la recette, je préfère vous présenter les activités cueillette et cuisine sous l’angle des compétences que les enfants développent durant cette activité (autonomie, curiosité, créativité, gestion du risque, capacité d’analyse et de comparaison, coopération, attention, travail sensoriel, etc.).
Ces ateliers cueillette-cuisine peuvent être réalisés avec une dizaine d’enfants de primaire (CP-CE), âgés donc d’entre 7 à 10 ans. Il se peut qu’une demi-journée ne suffisse pas pour cueillir et cuisiner toutes les plantes destinées à ce repas. En effet, l’accompagnement des enfants prend du temps. Ce que vous pourriez faire seul.e, vous le divisez par 2 ou 3 si vous avez à garder un œil sur les bambins. Et, surtout, si vous voulez prendre le temps de les laisser profiter de cette expérience et de raconter ce qu’ils en retirent. Cela dit, les enfants sont d’une très grande efficacité, si tant est qu’on leur laisse un minimum d’autonomie.
Cueillir les plantes avec des enfants
Dans la majorité des cas, les enseignants, accompagnateurs ou parents en école en nature ne sont pas des professionnels de l’environnement ou de la botanique. Beaucoup d’entre eux se font aider de spécialistes et d’animateurs nature, qui les accompagnent, entre autre, dans le repérage des plantes sur place.
Observer, comparer, identifier les plantes
En arrivant sur le lieu de cueillette, au petit matin, on donne à chaque enfant une photo ou un dessin d’une ou deux plantes et fruits à identifier. Si les éléments à cueillir ont des “presque jumeaux”, on fournit aux enfants une photo ou un dessin de la plante ou du fruit similaire pour qu’ils puissent comparer. On séparer le groupe en “équipes fruits” et “équipe plantes”. Cela donne déjà souvent lieu à un moment de discussion, ou l’on rappelle la différence entre les deux. Ensuite, par groupes de deux, ils s’élancent sur le chemin forestier ou de campagne. Les enfants accueillis ponctuellement ou scolarisés en école en nature sont habitués à se promener seuls ou en petits groupes. Ils sont tous munis d’un sifflet, et ne vont jamais très loin du point de rassemblement. Même s’ils le savent déjà, il est important de toujours rappeler aux enfants qu’ils ne doivent pas cueillir ni goûter les plantes avant la validation de l’enseignant/accompagnateur.
Pendant une grosse demi-heure, les enfants tentent de trouver (en premier, bien sûr!) les noix, noisettes, pignes, châtaignes et cenelles, d’un côté, et les orties, pissenlits, plantains, grandes berces et violettes, de l’autre (Ils ramasseront certainement des glands au passage !). Le moment de cueillette met en jeu une quantité de compétences chez les enfants :
– Seul un esprit de curiosité leur permet d’être suffisamment éveillés pour se mettre à l’affut des plantes et fruits.
– Ils affutent aussi leur capacité d’attention : même s’ils sont très pressés de trouver les éléments (surtout pour gagner!), ils doivent se focaliser sur leurs recherches et ne pas s’éparpiller.
– Ils doivent faire preuve d’esprit d’équipe, de coopération et de “négociation” (savoir débattre, faire valoir leur point de vue, ect.) lorsqu’ils s’interrogent sur les plantes et fruits.
– Leurs capacités intellectuelles (observation, analyse pointue des détails d’une plante, comparaison éventuelle avec d’autres éléments similaires, etc.) sont très stimulées par le repérage des plantes comestibles.
Prendre soin des plantes en cueillette
Une fois les plantes et fruits identifiés par les enfants, ils retournent au point de rassemblement. (Déjà, une bonne heure s’est écoulée depuis votre arrivée sur le terrain). On repart en grand groupe et l’on s’arrête à chaque point de cueillette potentielle (une dizaine, maximum). Là, chacun des enfants ou des binômes disent à quoi ils ont reconnu la plante ou le fruit. C’est alors, d’abord, la compétence langagière d’explication qui est en jeu : plus l’enfant explique dans des termes clairs, plus vite le groupe pourra identifier l’élément. Par ailleurs, “en sous-main”, c’est le sentiment de confiance en soi qui est également travaillé. En effet, l’enfant prend la parole “en tant qu’expert” face au groupe et doit se sentir suffisamment sûr de lui pour expliquer ce qui sait.
Une fois l’étape de reconnaissance validée par l’adulte, les enfants cueillent les plantes et ramassent les fruits qui sont à terre. Cela peut paraître très simple. En fait, on fait tout un travail à la fois manuel (attraper, ne pas échapper ou piétiner, poser délicatement dans le panier ou les tenir en main sans les écraser, etc.) et sensitif (prendre soin de la plante, la respecter, ne pas tout arracher brutalement, faire attention aux plantes et fruits voisins, etc.).
De la cueillette à la cuisson : les enfants préparent
On retourne au point de rassemblement où vous (ou la personne qui gère l’atelier) aura assemblé les quelques éléments nécessaires à la cuisine.
Les recettes dont je me suis inspirées pour cet atelier sont empruntées à :
– Nathalie Deshayes pour la quiche aux jeunes pousses d’automne
– Patrick Luneau pour l’enfumage des fruits (voir son livre Tous dehors! En forêt)
– Ma propre expérience pour la soupe aux châtaignes et orties.
Vous prévoyez les ustensiles
Bien sûr, cela suppose que vous ayez :
– étudié les recettes dans les détails (et AVANT de partir!)
– apporté tous les ustensiles dont vous aurez besoin (si vous ne disposez pas d’une cuisine à proximité),
– prévu les possibles incidents de cuisson,
– apporté d’éventuels aliments de remplacement au cas où la cuisson ratait : vous ne pouvez laisser les enfants sans repas de midi
Les enfants préparent la cuisine des plantes et fruits
La première chose à faire, c’est d’allumer le feu! L’allumage d’un feu est l’une des pratiques de base de l’école en nature. Dans les lieux qui sont dédiés à la pédagogie en nature, il y a des endroits attribués au foyer. Ils sont sécurisés et les enfants savent manipuler les outils d’allumage. Les plus petits vont chercher du bois, les grands allument et surveillent le feu. L’adulte reste toujours présent auprès du feu.
Cela laisse une bonne heure pour la préparation des ingrédients (il est déjà environ 11h, si vous avez démarré la cueillette vers 9h). Il s’agit donc, par binômes ou équipes d’enfants de :
– laver les plantes et les cenelles unes à unes, en les manipulant avec attention
– décortiquer les noix, les noisettes, les châtaignes et les pignes en les laissant entières
– de commencer à mélanger les autres ingrédients (battre les œufs pour l’omelette).
Toutes ces actions demandent aux enfants de nombreuses compétences :
– Toujours la coopération (prêter aux autres, montrer et laisser faire aux plus jeunes, décider qui fait quoi, etc.),
– L’habileté manuelle (verser sans renverser, manipuler les œufs, utiliser des outils tranchants, approcher du feu sans se brûler, etc.)
– Le développement de leurs sens (sentir les odeurs des ingrédients crûs, entrain de cuire, cuits ; goûter, toucher, écouter les crépitements du feu, les éclatements des fruits, etc.).
Cuisiner des plantes avec les enfants
Vient ensuite l’étape “cuisson” à proprement parler. L’idée est de toujours garder les enfants occupés pour qu’ils ne s’ennuient pas et n’attrapent pas froid en restant sans bouger. On va donc procéder par étapes parallèles pour que chacun puisse s’activer et déjà commencer à grignoter!
Cuisinez organisé!
– On met rapidement quelques fruits à coque sur le gril, puisque leur enfumage est rapide. Le temps qu’ils s’enfument ou grillent, des enfants les surveillent pendant que d’autres continuent de décortiquer les suivants. Les premières noix, noisettes, châtaignes et pignes sont bientôt prêtes. On commence à les déguster.
– En parallèle, on aura mis l’eau à bouillir dans une grande casserole, placée côte à côte avec le grill (on surveille les deux en même temps).
– Pendant qu’on déguste l’apéritif, l’équipe “soupe” met les châtaignes et les orties à bouillir à feu vif dans l’eau bouillante salée. 15mn après (le temps de mettre la table, par terre, sur des souches de bois, par exemple), on mixe les ingrédients pour la soupe. (Généralement, les enseignants et animateurs en nature ont sur eux des batteries portatives permettant de brancher ponctuellement des appareils électriques). Les enfants de l’équipe “soupe” servent leurs camarades.
– Pendant qu’on savoure cette soupe bien chaude, deux enfants sont chargés de faire griller les plantes servant à l’omelette dans du beurre pendant quelques minutes, puis d’y ajouter les œufs battus. L’omelette est servie dès qu’on a fini la soupe.
– On aura laissé griller doucement les châtaignes sur le feu pendant le repas. L’équipe “dessert” se charge de veiller sur elles et de les retourner quand il le faut. On peut donc les déguster en dessert…avec les cenelles lavées et séchées! Ou bien une confiture ou une gelée de cenelles qu’on aura fait la fois précédente!
Il ne reste plus qu’à débarrasser la table et à laver les ustensiles et couverts dans les baquets prévus à cet effet. Et, bien entendu, après cela, de faire une petite séance de discussion sur l’activité qui vient d’être effectuée. A chaque fois, les enfants sont enchantés et en redemandent !
Cuisiner plantes et fruits : un apprentissage pour les enfants
Lors de la “phase cuisine”, là encore, de nombreuses habiletés et compétences sont mises en œuvre chez les enfants :
– Toujours la coopération et l’entraide entre membres d’équipes et d’une équipe à l’autre,
– La participation à un projet répondant à un besoin vital (manger!) renforce la réflexion pragmatique chez l’enfant (il met en place des étapes, il établit des connections entre ces différentes étapes, etc.)
– La compréhension de ce qu’est le temps long : en tout, il aura fallu 4 heures pour fabriquer ce repas! On se rapproche alors des rythmes biologiques naturels, ce qui est une expérience fondatrice pour un enfant,
– La manipulation d’outils et la gestion des risques qui y est rattachée,
– Le travail sensoriel autour des aliments (je détaille ce point dans un autre article).
En bref,
Qu’on ne s’y trompe pas : la responsabilité des activités cueillettes-cuisines repose bien sur les épaules de l’enseignant ou de l’animateur. Il sait intervenir, régler une dispute, gérer un conflit, proposer de l’aide, etc. S’il ne sait pas si une plante est comestible ou non, il n’y touche pas. Il pense avant tout à la sécurité des enfants. Mais, autant que possible, il reste en retrait, il fait appel aux compétences des enfants, il les amène à s’entraider plutôt que de régler tout seul et tout de suite les conflits au sein du groupe…
Vous remarquerez qu’en pédagogie par la nature en général, et pour la cueillette et la cuisine des plantes sauvages comestibles et des fruits avec les enfants, tout est une question d’organisation et d’habitude ! Même s’il y a toujours des imprévus (et qu’on aime ça !), l’organisation est clé pour la gestion de ces activités : plus on est préparés (et aidés par des spécialistes des plantes sauvages comestibles !), plus on appréciera chaque étape des cueillettes-cuisines !
Les activités de cueillette et cuisine figurent parmi les “moments numéro 1” en pédagogie par la nature! Elles sont très appréciées car elles constituent de vrais “projets de vie” pratiques, riches en sensations et particulièrement ludiques pour les enfants! L’objectif de cet article était de vous donner un aperçu des innombrables compétences qui se développent chez les enfants lors de ces activités cueillettes-cuisine en nature! Les recettes et les variétés de plantes comestibles étant très nombreuses, ces activités peuvent être organisées tout au long de l’année, pour le plus grand plaisir gustatif des petits et des grands!
bonjour
pouvez vous me dire ou je peux trouver la législation concernant la cuisine ,la dégustation de plantes sauvages avec des enfants je suis une petite asso ds leb05 et les écoles et les centres aérés sont demandeurs de sorties
merci de votre reponse
Bonjour,
Je vous conseille de vous mettre en relation avec le FRENE, le réseau français d’éducation à la nature et à l’environnement https://frene.org ou avec un réseau régional GRAINE. Ils pourront bien vous renseigner.