Lactuca virosa

Nos laitues sauvages : laitue scariole et laitue vireuse

Aujourd’hui je vais vous présenter un peu plus dans le détail nos deux laitues sauvages, la laitue scariole et la laitue vireuse. Ces deux espèces, Lactuca serriola (laitue scariole) et Lactuca virosa (laitue vireuse) sont les deux laitues sauvages les plus répandues chez nous. Mais comment les reconnaître, les différencier et comment et à quel stade les manger ? Y a-t-il des risques ? C’est l’objet de cet article.

Laitue scariole ou laitue vireuse ?

Regardons d’abord les feuilles au printemps, quand la laitue ne présente qu’une rosette de feuilles. Leur forme ressemble à celle d’une feuille de pissenlit peu découpée. Des feuilles ovales à lancéolées, de 15 à 25 cm de longueur environ, dentées et plus ou moins lobées. Il est vrai que la nature ne nous facilite pas toujours la tache : les feuilles peuvent présenter plus ou moins de lobes sur le pourtour de la feuille ou alors aucun.

Laitue sauvage jeunes feuilles
Jeunes feuilles de laitue scariole (Lactuca serriola)

À l’arrière de la feuille, quand vous observez la nervure centrale, vous allez apercevoir que celle-ci est pyramidale et qu’elle possède une arrête de poils drus. Ces poils deviennent de véritables épines au fur et à mesure du développement de la plante.

Quand on cueille une feuille, un latex blanc s’écoule de la coupure. D’ailleurs le nom laitue, lactuca, provient de lactis, lait !

Différences entre les feuilles de printemps de la laitue scariole et la laitue vireuse

La laitue scariole a, selon mes observations, généralement des feuilles plus étroites que la laitue vireuse.

La première a des feuilles lisses alors que la deuxième a des feuilles un peu ondulées ou crêpues.

J’observe souvent des taches noires sur les feuilles de laitue vireuse, pas sur celles de laitue scariole. La face inférieure de ces dernières est plus blanche que celle des feuilles de laitue vireuse.

Laitue vireuse en rosette
Laitue vireuse (Lactuca virosa) en rosette

Quand les deux plantes se mettent à monter (chez moi cela se produit à partir de fin avril ou en mai) il devient plus difficile de différencier les deux espèces de laitues. Vous pouvez alors observer une tige droite qui porte des poils épais avec des feuilles se tenant souvent à l’horizontale. Les feuilles à ce stade sont bien plus découpées que les feuilles basales. Les feuilles sont alors d’un vert bleuté. La nervure centrale est devenue plus large et plus blanche sur le dessus de la feuille. Les épines sur la nervure en-dessous sont plus piquantes.

La tige se ramifie énormément, elle monte à 2 voire 3 mètres de hauteur et porte de très nombreuses fleurs (de juin à août). Il s’agit de capitules floraux très proches du pissenlit. Sauf qu’ils sont plus petits (environ 2mm de diamètre) et d’un jaune pâle.

Si vous incisez la tige il s’en écoule, là aussi, un latex blanc.

Laitue sauvage en fleurs

Différencier la laitue scariole et la laitue vireuse grâce aux fruits

Après la floraison, nous avons de nouveau la possibilité de distinguer les deux laitues grâce à une différence claire qui se situe dans leurs fruits.

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Ces derniers sont de petits akènes (fruits secs) allongés et pointus surmontés d’une aigrette qui, encore une fois, fait penser aux fruits du pissenlit. Les akènes de la laitue scariole sont gris ou bruns, les akènes de la laitue vireuse sont noirs.

Akènes de laitue scariole - photo Matt Lavin
Akènes de laitue scariole – photo Matt Lavin

Quand et comment manger les laitues sauvages ?

Par contre, à ce stade, je ne vous conseille pas du tout de manger les feuilles des laitues ! Dès qu’elles commencent à monter, les feuilles deviennent très amères et quasiment immangeables. Surtout crues.

Vous pouvez éventuellement les faire cuire (une ou deux fois) à l’eau pour en enlever l’amertume puis les faire revenir à la poêle ou les mettre dans une soupe. Mais personnellement je privilégie les plantes que l’on peut manger sans avoir recours à ce procédé. Car il est dommage de perdre les vitamines qu’elles contiennent.

Les laitues sauvages apportent quand même des quantités intéressantes en vitamine A, B et C. Alors mieux vaut les manger crues dans une bonne salade craquante !

La meilleure saison pour la récolte des deux plantes est au début du printemps quand la plante n’a qu’une rosette de feuilles. Dans les rosettes, je choisis les feuilles au centre qui sont les feuilles les dernière arrivées, les plus jeunes. Ce sont elles qui sont d’une part les plus tendres et aussi les moins amères.

J’ai un faible pour la laitue scariole que je trouve plus fine, plus croquante et moins amère que la laitue vireuse. Mais les deux sont nettement plus faciles à mâcher que le pissenlit. Pourtant j’aime les salades de pissenlit !

Comme pour la laitue cultivée, c’est pour la salade que les feuilles sont les plus adaptées. Si vous ou vos invités craignez l’amertume, je vous conseille de mélanger de la laitue classique, cultivée, avec de la laitue sauvage pour commencer. Ajoutez de l’oeuf dur pour adoucir, des noix ou noisettes, faites une vinaigrette au miel, mélangez avec des carottes. Chez moi, quand c’est la saison, la laitue sauvage se trouve en entrée très souvent, agrémentée de fleurs sauvages.

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Salade de laitue scariole et vireuse
Salade de laitue scariole et vireuse

Y a-t-il un risque pour consommer la laitue sauvage ?

« J’ai entendu que la consommation de laitue vireuse est déconseillée », c’est ce que j’entends souvent. Il y en a même qui la qualifient de toxique. Allons voir ce qu’il en est.

Le latex de la laitue vireuse (Lactura virosa) contient des substances qui ont des effets sédatifs, calmants, expectorants et, à fortes doses, antalgiques voire hypnotiques. Le latex extrait de la laitue vireuse et séché (appelé lactucarium) a été utilisé par le passé comme remède antidouleur. Sa consommation provoquerait un effet de somnolence, de détente, on se sentirait sonné avec l’envie de dormir. Le lactucarium aurait même servi en substitut de l’opium dans des cures de désintoxication. Son avantage étant qu’il ne possède pas la toxicité de celui-ci.

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Par contre, le procédé de fabrication du lactucarium est compliqué. La latex était prélevé sur les tiges de la laitue vireuse juste avant la floraison. C’est à ce moment-là qu’il semble être le plus abondant et le plus chargé en les substances désirées. Mais les tiges sont assez fines et il ne faut pas s’imaginer que le latex coule comme celui des hévéas, les arbres à caoutchouc, loin de là. Il fallait utiliser des compresses pour récupérer le latex puis tremper les compresses pour l’en extraire et encore faire évaporer le tout pour récupérer le latex séché. Une histoire très collante qui demande une infinie patience, je veux bien le croire. Mais c’est la manière pour concentrer le latex afin d’utiliser son pouvoir médicinal.

Latex de laitue scariole
Latex de laitue scariole

Et si on la mange en salade ?

Alors faut-il craindre des effets indésirables quand on mange une salade de laitue sauvage ? Franchement, je dis non. Premièrement, nous récoltons les feuilles de laitue quand la plante est jeune et que les substances en question sont peu présentes. Deuxièmement, nous ne concentrons pas le latex mais mangeons simplement quelques feuilles à l’état brut. Personnellement, je n’ai jamais remarqué d’effet particulier après la consommation de laitue sauvage. Et si une salade nous apportait un brin de détente, pourquoi pas… Personnellement je ne dirais pas non vu la vie stressante que nous menons. Mais dans l’état actuel des choses je ne peux pas vous témoigner d’état surprenant…

Toujours est-il qu’il vaut mieux être prudent et ne pas manger la laitue vireuse en grande quantité si vous devez prendre la voiture par la suite. Mais d’ici à dire que la laitue vireuse serait toxique c’est aller trop loin. Sauf si on décide de dire que le café est toxique aussi. A forte dose il provoque quand-même des troubles cardiaques ; mais ça a l’air de ne déranger personne…

D’ailleurs il faut mentionner que la laitue scariole contient les mêmes substances que la laitue vireuse. Les auteurs européens disent qu’elle en serait moins pourvue que la laitue vireuse, les auteurs américains en disent le contraire. C’est à cet endroit que je remercie Christophe Bernard pour ces précieuses recherches et son excellent article à ce sujet. Si vous voulez en savoir plus sur les vertus médicinales de la laitue scariole et de la laitue vireuse je vous conseille sa lecture.

Pour finir sur ce point, même la laitue cultivée contient les mêmes substances. Mais en moins fort. Elle serait d’ailleurs une descendante de la laitue scariole.

Assiette composée avec laitue vireuse
Assiette composée avec laitue vireuse

J’espère que je vous aurais aidé à aller à la rencontre de nos laitues sauvages.  Bonne découverte à vous et bonne cueillette !

 

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